Questions à se poser

Moments en famille: êtes-vous «seuls ensemble»?

Par équipe PAUSE, en collaboration avec Dre Marie-Eve Brabant, psychologue

Moments en famille: êtes-vous «seuls ensemble»?

Ce n’est pas rare que les membres d’une famille se retrouvent sous le même toit… mais chacun derrière son écran. Ça vous ressemble? Lisez ce qui suit.

Votre ado scroll sur TikTok pendant que son frère ou sa sœur joue à son jeu vidéo? Vous jetez souvent un œil sur votre cellulaire lors des repas avec vos enfants?

En 2019, deux chercheurs britanniques ont publié, dans le Journal of Marriage and Family, ce qui serait la première étude sur l’impact des appareils électroniques personnels sur le temps en famille. Ceux-ci ont noté une augmentation, entre 2000 et 2015, du temps que les enfants de 8 à 16 ans passent chaque jour à la maison avec leurs parents.

Mais cette bonne nouvelle vient avec un bémol important: une hausse marquée (41 % pour être exact) du temps en famille avec une «présence absente», c’est-à-dire que les personnes sont physiquement présentes, mais que leur attention est ailleurs. Et les coupables sont nos écrans.

Quand les écrans divisent la famille

Il y a quelques décennies à peine, toute la famille se réunissait pour regarder la télévision, le seul écran de la maison. Aujourd’hui, ados et parents possèdent pratiquement tous leur propre téléphone intelligent, les enfants ont une tablette électronique, et c’est sans compter les ordinateurs, les consoles de jeux vidéo et les montres intelligentes. Cette multiplication des écrans sous un même toit leur permet de vaquer de plus en plus souvent à leurs activités en ligne chacun de leur côté.

Par ailleurs, même lorsqu’ils passent du temps ensemble, que ce soit lors des repas, pendant les trajets en voiture ou lors des sorties, jeunes et moins jeunes ont de la difficulté à résister à la tentation d’utiliser leurs appareils.

«Un des problèmes, c’est qu’on n’arrive plus à se consacrer à une activité seulement. On va vérifier nos textos pendant la période des devoirs ou consulter la météo sur notre téléphone pendant le repas.»

Marie-Ève Brabant

Psychologue spécialisée auprès des enfants, des adolescents et de leur famille.

Résultat, les écrans divisent plus que jamais les membres de la famille. Ces moments, une chercheuse au Massachusetts Institute of Technology, Sherry Turkle, les qualifie de «seuls ensemble». Elle a d’ailleurs consacré un livre à ce sujet, qui s’intitule Seuls ensemble: de plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines.

Attention à l’isolement causé par les écrans!

Sans surprise, plus les enfants sont âgés, plus ils déclarent de moments de «solitude accompagnée» selon l’étude britannique; d’une part parce que les ados sont plus nombreux à posséder leur appareil électronique personnel, d’autre part parce que ces derniers éprouvent un besoin grandissant d’indépendance, que leur parent doit bien sûr respecter… tout en maintenant un lien étroit pour éviter de se perdre comme famille ou de laisser le jeune s’isoler. «Il y a plusieurs impacts négatifs à l’isolement chez les adolescents, tels que l’anxiété, les troubles alimentaires ou les dépendances», prévient Marie-Ève Brabant.

 

 

«Même si l’ado a une part de responsabilité, c’est le rôle du parent de cultiver la relation et de la renforcer s’il constate qu’elle s’est détériorée.»

Marie-Ève Brabant, psychologue

Si on réalise qu’on a laissé la technologie s’immiscer entre les membres de notre famille, il n’est jamais trop tard pour réagir et améliorer notre usage des écrans. «L’idée est d’en discuter en famille sur un ton positif et sans jugement. Inclure son enfant dans la discussion lui fera sentir qu’il a un certain contrôle, et il sera plus enclin à se mobiliser par la suite», suggère Marie-Ève Brabant.

Des modèles de gestion des écrans, les parents?

Selon l’étude britannique, les parents ne sont pas toujours des modèles adéquats en ce qui concerne l’utilisation des appareils mobiles lors des moments en famille. Ceux-ci utilisent en effet deux fois plus leur écran que leur progéniture lors des repas. Puis, par tranche de 30 minutes de télé en famille, ils consultent leur appareil en moyenne 7 minutes, alors que les jeunes se contentent d’environ 5 minutes. Bref, le parent doit commencer par être un modèle pour son enfant, pense Marie-Ève Brabant. «Le parent doit donner l’exemple et être capable de prendre des pauses de la technologie avant de vouloir encadrer l’utilisation de son jeune», insiste-t-elle.

Voici quelques règles qui peuvent limiter l’effet des écrans sur le temps de qualité en famille:

  • Prévoir des zones sans écrans dans la maison, par exemple les chambres à coucher.
  • Instaurer des moments sans écrans dans la journée, lors des repas entre autres.
  • Limiter à 2 heures maximum par jour le temps de loisir devant un écran pour les enfants de 5 à 18 ans, et à 1 heure maximum pour les enfants de 2 à 5 ans. Pour les moins de 2 ans, on se rappelle que c’est zéro écran.
  • Planifier des activités en famille sans techno, comme faire une marche ou jouer à un jeu de société.
  • Organiser des sorties familiales en laissant tous les appareils électroniques dans la voiture.

 

«Passer du temps de qualité en famille n’est pas seulement bénéfique pour diminuer l’utilisation des écrans: cela renforce également le lien parent-enfant et favorise l’apprentissage des compétences sociales chez le jeune», conclut la psychologue.

 

Dre Marie-Ève Brabant, Ph.D est membre de l’Ordre des psychologues du Québec depuis 2009. Ses études universitaires et ses expériences cliniques en bureau privé, à l’Hôpital de Montréal pour enfants et au CHU Sainte-Justine, lui ont permis d’acquérir une expertise en matière d’évaluation et d’intervention auprès d’enfants, d’adolescents et de leurs parents. En plus de plusieurs collaborations dans les médias écrits, la Dre Brabant exerce sa profession en bureau privé à Montréal et à Saint-Lambert.

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