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Pourquoi les jeunes sont-ils si attirés par les écrans?
5 décembre 2023
«Scroller» sur TikTok, texter ses amis, s’amuser sur Snapchat, jouer à des jeux vidéo, publier du contenu sur Instagram, regarder des vidéos en ligne… Voilà des activités auxquelles votre jeune s’adonne probablement toutes un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie. Et ce n’est pas un hasard: les développeurs Web et les concepteurs de jeux vidéo usent de stratégies pour attirer et retenir leurs utilisateurs.
Même si les jeunes passent beaucoup de temps sur les écrans, ils sont loin d’être tous cyberdépendants! Certains peuvent toutefois en venir à consacrer aux activités en ligne trop de temps, d’argent et d’énergie, des ressources dont ils ont besoin pour bien fonctionner dans toutes les sphères de leur vie. «C’est alors que les impacts négatifs des écrans peuvent se faire sentir à l’école, sur l’activité physique, sur l’alimentation ou sur la vie sociale», explique Jean-François Biron, expert dans les dossiers de l’hyperconnectivité et des jeux de hasard et d’argent à la Direction régionale de santé publique de Montréal.
Volonté individuelle par rapport à stratégies des développeurs
Qu’est-ce qui fait qu’un ado passe plus de temps sur son cellulaire ou sur les jeux vidéo qu’un autre? C’est notamment une question de tempérament, selon l’expert en hyperconnectivité. Certains jeunes possèdent en effet moins d’autocontrôle, ont davantage besoin de valorisation sociale, sont plus impulsifs, influençables ou à la recherche de sensations fortes. Pour d’autres, certaines activités sont carrément au centre d’une passion dans laquelle ils s’investissent, d’où l’importance de s’intéresser aux habitudes numériques de chacun.
L’environnement du jeune joue aussi un rôle (p. ex.: avoir une famille hyperconnectée ou des amis gamers). Mais il y a un autre aspect non négligeable à considérer. «Il ne faut pas oublier que derrière chaque site Web, jeu vidéo ou application, il y a une entreprise qui utilise des stratégies de marketing pour vendre son produit ou de la publicité, dit-il. Certaines entreprises ont même recours à des stratégies plus sophistiquées pour inciter les utilisateurs à leur consacrer du temps, de l’énergie ou à dépenser de l’argent de façon excessive, et ce, jusqu’à créer un déséquilibre dans leur vie.» Avec toutes les informations que les entreprises de ce type colligent, des algorithmes arrivent à prévoir les comportements avec davantage de précision. Elles savent ainsi quels sont les meilleurs moments et les meilleurs produits à offrir en fonction des profils d’utilisateurs. Les sollicitations deviennent plus adaptées et ciblées.
Comment les écrans attirent et retiennent l’attention?
Parmi les stratégies qui amènent insidieusement les jeunes à passer plus de temps sur leurs écrans, notons seulement la possibilité de «scroller» sans fin dans les réseaux sociaux, le démarrage automatique d’émissions ou de vidéos et la possibilité de jouer en ligne de façon continue, ce qui ne permet pas le recul et la réflexion parfois nécessaires pour s’arrêter.
Quant aux stimuli sonores et visuels, comme les pastilles rouges ou les sons liés aux notifications, de même que l’utilisation quotidienne obligée des jeux vidéo pour ne pas perdre d’acquis, ils sont autant de mécanismes qui nous ramènent constamment le nez devant l’écran. «Le piège est de tomber dans un mode d’hypervigilance, puisqu’on s’habitue à cette stimulation constante. Certains ados en viennent à éprouver une sensation de vide quand ils ne sont pas devant leur écran», prévient Jean-François Biron.
Il importe aussi de rappeler que l’utilisation des écrans stimule les mêmes zones du cerveau que la consommation d’alcool et d’autres drogues, explique Jean-François Biron. Apprendre une nouvelle par texto, gagner à un jeu ou recevoir des mentions J’aime pour une photo activent le «circuit de la récompense» et augmentent la sécrétion de dopamine. Quand le «circuit de la récompense» est surstimulé, comme c’est le cas avec les jeux vidéo immersifs en ligne, par exemple, le cerveau s’adapte au fil du temps à cette forte sensation de plaisir, ce qui incitera le jeune à jouer plus souvent et plus longtemps.
Lien entre gaming et gambling
Selon l’expert en prévention, plusieurs stratégies utilisées par les concepteurs Web et de jeux vidéo ressemblent à celles des jeux de hasard et d’argent (qui prennent souvent la forme d’un écran d’ailleurs). «Et il a été prouvé scientifiquement que certaines caractéristiques des jeux de hasard et d’argent peuvent favoriser les excès», poursuit-il. Les notifications en sont un bon exemple. Le signal attire notre attention sur une possible bonne nouvelle, mais on ne sait pas ce qui se cache sous la pastille rouge. «Ce côté aléatoire ressemble aux jeux de hasard et d’argent», note le chercheur.
Certains jeux vidéo introduisent également des microtransactions à des moments précis, dans le but de maximiser les dépenses des utilisateurs. C’est le cas notamment des fameux coffres à butin (loot boxes), que les joueurs peuvent acheter en cours de partie et dont le contenu est imprévisible. Ils permettent potentiellement d’accéder à un niveau supérieur ou d’améliorer l’apparence ou les capacités d’un personnage. «Ces coffres à butin font réfléchir la communauté scientifique sur la zone commune du gambling et du gaming, même si l’un repose davantage sur le hasard et l’autre sur des habiletés», rapporte Jean-François Biron.
Viser une utilisation équilibrée
Malgré l’attrait indéniable des écrans, votre jeune peut les utiliser de façon équilibrée, et comme parent, vous pouvez l’aider à y arriver. Tentez tout d’abord d’avoir une discussion ouverte et sans jugement avec votre enfant sur ses habitudes numériques. Vous pourrez ensuite établir ensemble des règles d’utilisation qui favoriseront entre autres du contenu de qualité et approprié pour son âge, et qui définiront un temps d’écran quotidien.
M. Jean-François Biron est un expert dans les dossiers de l’hyperconnectivité et des jeux de hasard et d’argent à la Direction régionale de santé publique de Montréal.
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