Méfaits et cyberdépendance

Un lien entre la tablette et les accès de colère des tout-petits?

Par équipe PAUSE, en collaboration avec Caroline Fitzpatrick, Ph. D.

Un enfant sur une tablette

Chez les enfants d’âge préscolaire, plus le temps d’écran augmente, plus leurs accès de colère et de frustration sont fréquents. Puis, à l’inverse, les tout-petits qui ont du mal à gérer leurs émotions vont accroître leur utilisation de la tablette. Ce cercle vicieux, les parents peuvent heureusement le briser avec un bon encadrement.

Selon un sondage américain publié en 2020 par Common Sense Media, 8 % des enfants de moins de 2 ans possèdent leur propre tablette, un chiffre qui grimpe à 43 % chez les enfants de 2 à 4 ans. Puisque ce type d’appareil peut être transporté partout, il fait nécessairement hausser le temps d’écran quotidien des enfants. Or, son usage n’est pas sans conséquence, entre autres sur la gestion des émotions.

Caroline Fitzpatrick, une membre du comité d’experts et d’expertes de PAUSE, a dirigé, entre 2020 et 2023, une étude qui a été publiée dans JAMA Pediatrics. La conclusion?

Une surutilisation de la tablette par les tout-petits pourrait nuire à leur gestion des émotions. Et les jeunes enfants qui gèrent mal leurs émotions ont tendance à augmenter leur usage de la tablette par la suite.

En effet, l’étude a démontré que les enfants qui ont fait une surutilisation de la tablette à l’âge de 3 ans et demi ont été plus enclins aux accès de colère et de frustration 1 an plus tard. Puis les enfants qui ont exprimé plus fréquemment leur colère et leur frustration à l’âge de 4 ans et demi ont augmenté leur usage de la tablette de 17 minutes par jour 1 an plus tard, à 5 ans et demi.

Gérer ses émotions autrement qu’avec la tablette

Caroline Fitzpatrick mentionne que les enfants qui passent plus de temps à utiliser les écrans perdent des occasions de jouer avec d’autres enfants ou d’interagir avec les adultes qui en prennent soin. «Ces activités sont pourtant essentielles pour pratiquer et éventuellement maîtriser la régulation de leurs émotions», précise-t-elle.

C’est sans compter que les tablettes sont souvent utilisées dans les restaurants, lors des déplacements ou dans les salles d’attente pour tromper l’ennui des enfants, une émotion pourtant saine et bénéfique. Par ailleurs, plusieurs parents ont recours aux appareils mobiles pour calmer leur enfant en crise ou comme récompense pour un bon comportement. Même si cette stratégie peut sembler efficace et inoffensive, ce n’est pas une solution à long terme pour aider l’enfant à apprendre à gérer ses émotions.

«Les années préscolaires représentent une période cruciale pour le développement des capacités de régulation émotionnelle», insiste Caroline Fitzpatrick. Une coauteure de l’étude, la professeure Gabrielle Garon-Carrier, tient pour sa part à souligner le lien entre la gestion des émotions et la réussite à l’école. «Une bonne capacité à gérer les émotions intenses, comme la colère et la frustration, est essentielle pour que les enfants vivent une rentrée scolaire réussie», soutient-elle.

6 façons d’encadrer l’usage de la tablette des tout-petits

Les résultats de l’étude de Caroline Fitzpatrick montrent que l’usage des écrans doit être bien encadré par les parents. Voici quelques façons de faire :

  1. Retardez le plus longtemps possible l’exposition de votre enfant à un appareil mobile comme les cellulaires et les tablettes. Privilégiez la télévision à une bonne distance des yeux et dans un éclairage adéquat.
  2. Respectez les recommandations de zéro temps d’écran avant 2 ans et de 1 heure maximum par jour pour les 2 à 5 ans.
  3. Évitez d’utiliser la tablette pour calmer votre enfant en crise, surtout si votre enfant a de la difficulté à gérer ses émotions. Mettez plutôt de la musique douce ou chantez des chansons avec elle ou lui
  4. Soyez présente ou présent avec votre enfant lors de son usage de la tablette. Vous aurez ainsi un plus grand contrôle sur le contenu visionné. Puis vous pourrez discuter avec votre enfant de ce que vous avez regardé ensemble.
  5. Veillez à ce que votre enfant ait suffisamment d’occasions de participer à des activités qui renforcent ses capacités de gestion de ses émotions, par exemple des jeux qui favorisent l’imagination, la lecture de livres, des activités physiques et sociales.
  6. Vérifiez le temps d’écran de votre enfant à la garderie. N’hésitez pas à demander à la personne responsable si elle utilise les écrans avec votre enfant. Si oui, quel est le temps d’écran quotidien (n’oubliez pas qu’il s’additionne à celui passé à la maison)? Présente-t-elle les écrans aux enfants en récompense, pour calmer les crises ou pour leur permettre de faire autre chose? Si la personne ne semble pas avoir adopté de saines habitudes numériques, vous pouvez partager avec elle le Guide informatif sur l’utilisation des écrans destiné aux services de garde.

L’étude conclut que les parents doivent agir comme des modèles pour leurs enfants en limitant leur propre utilisation des écrans en leur présence. Cela encourage des habitudes numériques équilibrées à la maison et la saine gestion des émotions des enfants… en plus de favoriser un meilleur lien parent-enfant en évitant que la techno interfère lors des interactions entre eux.

À propos de l’auteure de l’étude: Caroline Fitzpatrick est membre du comité d’experts et d’expertes de PAUSE et professeure agrégée au Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire de l’Université de Sherbrooke. Sa recherche donne suite à une précédente étude sur les habitudes numériques des enfants d’âge préscolaire.

Sources: usherbrooke.ca, commonsensemedia.org, frontiersin.org, jamanetwork.com, frontiersin.org, medpagetoday.com