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Quand les écrans nuisent à l’empathie des enfants

Savez-vous que l’utilisation inadéquate des écrans peut nuire à l’apprentissage de l’empathie par les tout-petits et les toutes-petites et en diminuer la capacité chez les enfants? Un chercheur spécialisé en empathie et expert du bien-être numérique nous en dit plus.

L’empathie est la capacité de se mettre intuitivement à la place d’autrui ainsi que de s’identifier à l’autre afin de comprendre et de partager ses sentiments. Elle s’avère essentielle pour établir des relations saines. «L’importance pour les enfants de développer l’empathie, c’est entre autres pour devenir des personnes plus sensibles aux autres et motivées à s’entraider», explique Charles-Antoine Barbeau-Meunier. Le médecin résident en pédopsychiatrie est un chercheur spécialisé en empathie et un expert du bien-être numérique.

Écrans et développement de l’empathie des tout-petits et des toutes-petites

Les interactions en personne sont essentielles pour que les très jeunes enfants développent les habiletés nécessaires à l’empathie, dont les suivantes:

  • La gestion des émotions. Donner un appareil connecté à l’enfant pour l’aider à se calmer ou à patienter peut empêcher l’apprentissage de la gestion des émotions, qui est un prérequis de l’empathie. «Dans les premières années de la vie, le défi pour les enfants est d’apprendre à reconnaître leurs émotions, puis à les réguler en collaboration avec leurs parents», affirme Charles-Antoine Barbeau-Meunier.
  • Le décodage du langage corporel. Les tout-petits et les toutes-petites doivent interagir avec différentes personnes pour apprendre à décoder les expressions faciales, la gestuelle, le regard et l’intonation de la voix. Cette aptitude est essentielle pour réussir à comprendre les autres. Or, le temps passé devant les écrans est du temps qui n’est pas passé en face-à-face.
  • L’acquisition du langage. «Le vocabulaire de l’enfant – la quantité de mots qu’il ou elle connaît – est l’une des meilleures façons de prédire s’il ou elle sera capable de prendre du recul sur ses expériences et émotions et, donc, de tisser des relations sociales positives», souligne le chercheur. Les études soutiennent toutefois qu’une utilisation importante des écrans peut nuire au développement du langage.

Écrans et empathie des enfants d’âge scolaire

L’usage inadéquat des écrans n’a pas uniquement des répercussions sur le développement de l’empathie des tout-petits et des toutes-petites. Selon les circonstances, il peut également nuire à la capacité d’empathie des enfants d’âge scolaire. Voici pourquoi:

  • Les écrans cachent la réalité d’autrui. Les communications écrites en ligne ne permettent pas de voir les réactions des autres, ce qui nous rend moins sensibles à la portée de nos paroles.
  • Certains contenus en ligne normalisent la haine et la violence. Les contenus violents peuvent désensibiliser l’enfant à la violence hors ligne, puis l’amener à banaliser ses conséquences et à se détacher de la souffrance des victimes de violence.
  • Certains contenus en ligne faussent le réel. Les films, séries télé et réseaux sociaux qui présentent des stéréotypes et des versions idéalisées de la vie des gens peuvent mener à la comparaison et à la dévalorisation. Quand cela mène à un repli sur soi, l’enfant est moins disposé à ressentir de l’empathie envers autrui.
  • Les écrans procurent un anonymat. Les jeunes qui écrivent des commentaires ou publient du contenu de façon anonyme se sentent moins responsables de leurs publications. Ils et elles se détachent ainsi des émotions et de la souffrance des autres.
  •  Les écrans sont surstimulants et incitent au multitâche. Il faut être capable de canaliser son attention vers l’autre pour entrer en relation empathique, ce qui est difficile dans les moments de surstimulation ou de distraction à cause du multitâche.

Oui, les écrans peuvent aussi favoriser l’empathie

«Les écrans peuvent être utilisés pour tisser des liens significatifs avec les autres, pour exprimer de la bienveillance et de la compassion pour autrui», mentionne Charles-Antoine Barbeau-Meunier. Certains usages des écrans peuvent en effet améliorer l’empathie. Par exemple:

  • Faire partie de groupes, de forums et de communautés d’entraide en ligne. Interagir avec des personnes qui partagent des intérêts communs ou une même réalité permet de ressentir un sentiment de connexion et de solidarité.
  • Jouer à des jeux vidéo coopératifs. Les jeux vidéo qui demandent un travail d’équipe et une collaboration entre les joueurs et joueuses peuvent favoriser l’empathie.
  • Choisir des contenus positifs. Les contenus bienveillants qui présentent diverses réalités et qui suscitent des prises de conscience améliorent la compréhension de l’autre et du monde.

6 façons d’aider son enfant à cultiver l’empathie dans un monde connecté

  1. Limiter l’usage des écrans. Évitez l’exposition aux écrans pour les enfants de moins de 2 ans. Puis instaurez des limites de temps claires par la suite en suivant les recommandations de 1 heure maximum par jour pour les 2 à 5 ans et de 2 heures maximum par jour pour les 6 ans et plus.
  2. Privilégier les interactions en personne. Prévoyez des activités familiales sans écran pour favoriser les interactions et renforcer le lien parent-enfant. Encouragez aussi les temps de jeux libres dans la maison ou à l’extérieur, puisqu’ils amènent les enfants à utiliser leur imagination et à interagir avec les autres.
  3. Éviter d’utiliser les écrans pour calmer l’enfant. Si l’enfant a l’habitude de recevoir une tablette ou un téléphone lorsque des émotions négatives surgissent, il ou elle n’apprend pas à les reconnaître et à les réguler. «Les parents ne doivent pas remplacer ce coaching émotionnel par les écrans», prévient l’expert en bien-être numérique.
  4. Promouvoir les contenus positifs en ligne. L’objectif est d’amener votre enfant à privilégier des contenus enrichissants et bienveillants. Les écrans doivent être utilisés pour connecter avec les autres plutôt que pour consommer des contenus passifs, à caractère violent ou qui isolent.
  5. Éduquer à la citoyenneté numérique. Sensibilisez votre enfant aux répercussions de ses gestes et paroles en ligne et aidez-le à développer son savoir-vivre numérique.
  6. Être un modèle et accompagner. Faites vous-même preuve d’empathie dans votre vie en ligne et hors ligne. Puis cultivez des habitudes empathiques chez votre enfant au quotidien en l’invitant à se demander ce que ressent l’autre, à se mettre à la place de l’autre.

Par Amélie Cournoyer, rédactrice agréée.