Actualité

L’interdiction de l’usage des cellulaires à l’école en 6  questions

Par équipe PAUSE, en collaboration avec Carolanne Campeau, M.I.T., – conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans

L’interdiction de l’usage des cellulaires à l’école en 6 questions

Dès la prochaine rentrée scolaire, l’utilisation du cellulaire sera interdite dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec. Cette consigne du ministre de l’Éducation fait suite à l’une des recommandations de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. Vous vous posez des questions à ce sujet? Nous aussi…

1. Qu’est-ce que la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux?

L’an dernier, l’Assemblée nationale a voté pour la création d’une commission spéciale. Celle-ci a eu le mandat d’étudier les répercussions d’Internet et des écrans sur la santé et le développement des jeunes. Elle s’est intéressée à plusieurs sujets, notamment le temps d’écran chez les jeunes, les mesures d’encadrement des écrans à l’école et sur le Web ainsi que l’accès aux réseaux sociaux.

2. Quelles sont les recommandations de la Commission?

Le 29 mai dernier, la Commission a déposé son rapport final. Celui-ci comprend 56 recommandations, dont 18 portent sur les écrans à l’école. La principale est que l’usage des cellulaires, des écouteurs et des autres appareils mobiles personnels soit interdit sur le terrain de toutes les écoles primaires et secondaires du début à la fin des cours, y compris pendant les pauses et l’heure du dîner. (L’interdiction annoncée par le gouvernement ne touchera toutefois pas à l’usage par le personnel enseignant à des fins pédagogiques ni par les élèves en raison d’un état de santé, d’un handicap ou de difficultés d’adaptation ou d’apprentissage.)

Les autres recommandations de la Commission en lien avec les écoles visent notamment:

  • la limitation du recours aux outils numériques en classe dans un but pédagogique et la fin de leur utilisation comme récompense;
  • l’instauration des compétences numériques dans le contenu éducatif obligatoire pour les élèves;
  • l’intégration de la notion de citoyenneté numérique au code de vie des écoles;
  • la formation du personnel enseignant au sujet des usages responsables des écrans;
  • l’encadrement renforcé des programmes de sport électronique.

3. Pourquoi certains experts et expertes ont recommandé l’interdiction du cellulaire à l’école?

Carolanne Campeau est conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans à PAUSE et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke. Celle qui a été invitée à s’exprimer devant la Commission a une réponse pour nous. « Les études sont de plus en plus claires: l’usage du cellulaire à l’école nuit aux apprentissages des élèves et à leurs résultats scolaires ainsi qu’au développement de leurs compétences sociales », répond-elle.

Carolanne Campeau a fait une recension des écrits sur l’usage des appareils mobiles personnels en classe. Elle a, elle aussi, conseillé à la Commission de les interdire dans les milieux scolaires. « Le cellulaire est déconcentrant en classe, autant pour les élèves qui les utilisent que pour les élèves qui les voient faire. Durant les pauses et l’heure du dîner, le cellulaire devient une barrière qui empêche les jeunes d’interagir les uns et les unes avec les autres et de participer aux activités parascolaires », commente-t-elle.

Depuis janvier 2024, au Québec, les cellulaires sont interdits dans les classes. Mais l’application de cette règle revenait à chaque enseignant et enseignante. Plusieurs demandaient aux élèves de déposer leur téléphone dans une pochette à l’entrée de la classe. D’autres le toléraient sur le bureau des jeunes ou dans leur poche de pantalon. « Mais un téléphone qui vibre toutes les cinq minutes dérange quand même l’élève et les autres autour. Le plus simple est de les interdire complètement », pense Carolanne Campeau.

4. Qu’est-ce que l’interdiction du cellulaire à l’école va changer concrètement?

Certaines écoles avaient déjà instauré cette interdiction, comme l’école secondaire d’Oka, le Collège Charles-Lemoyne à Longueuil et l’école secondaire de Rochebelle à Québec. Si l’on se fie à leur expérience, on peut s’attendre à plusieurs bénéfices:

  • une augmentation des interactions sociales entre les élèves;
  • une meilleure relation entre les élèves et le personnel scolaire;
  • une hausse de l’activité physique, du temps passé à l’extérieur et de la participation aux activités parascolaires proposées sur l’heure du midi;
  • une augmentation de la concentration et de l’attention en classe;
  • une amélioration de la performance et des résultats scolaires.

Petit bémol: à l’école secondaire d’Oka, on a constaté un changement dans les habitudes numériques des élèves plutôt qu’une diminution du temps d’écran total, comme souhaité. En effet, les premiers mois, les jeunes ont compensé le temps qu’ils et elles ne pouvaient plus passer sur leur cellulaire à l’école en l’utilisant davantage durant la soirée. C’est pourquoi il importe que vous mainteniez des règles claires en lien avec les écrans à la maison et que vous continuiez de surveiller attentivement les habitudes numériques de votre enfant.

5. Comment instaurer avec succès l’interdiction du cellulaire dans les écoles?

La collaboration entre les directions d’école, le personnel enseignant, les parents et les élèves est essentielle pour faciliter cette importante transition.

  • Les directions d’école doivent expliquer aux élèves les raisons de l’interdiction des cellulaires en mettant l’accent sur les bienfaits et en se basant sur des données probantes. Elles devraient également offrir du soutien et des stratégies aux élèves qui ont besoin d’aide pour s’habituer à l’école sans cellulaire. Puis des activités doivent être organisées en dehors des heures de cours pour occuper le temps libre des élèves.
  • Le personnel enseignant doit appliquer le nouveau règlement de manière uniforme, tout en se montrant empathique et bienveillant envers les élèves, qui vivent un gros changement.
  • Les parents doivent tenir un discours cohérent avec celui de l’école et continuer d’encadrer l’utilisation des écrans pour éviter que leur enfant en augmente l’usage à la maison.
  • Les élèves doivent avoir la possibilité de s’exprimer sur ce changement majeur dans leur vie, tant à l’école qu’à la maison, pour sentir qu’ils et elles participent à la transition plutôt que de la subir.

6. Est-ce que d’autres stratégies devraient être mises en place dans les écoles afin de favoriser le bien-être numérique des jeunes?

Carolanne Campeau croit fermement que oui. « Puisque la technologie est omniprésente, on s’attend à ce que les enfants apprennent à s’en servir à la maison. Mais les études notent de grandes inégalités chez les jeunes en matière de compétences numériques, parce que certains parents ont plus de connaissances que d’autres à ce sujet », fait-elle remarquer.

Selon elle, c’est donc aux écoles que revient le rôle d’enseigner aux jeunes comment utiliser Internet et les écrans. « Je réintégrerais les laboratoires informatiques dans les écoles, puis j’ajouterais les compétences numériques dans le cursus scolaire. Les jeunes doivent apprendre à utiliser les écrans. Ils et elles doivent savoir comment ils fonctionnent, mais aussi comment les utiliser de façon sécuritaire et équilibrée », poursuit la conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans. Cela devient d’autant plus important face à l’évolution rapide des technologies, notamment l’intelligence artificielle (IA).

Pour obtenir des conseils afin de bien accompagner votre jeune lors de la prochaine rentrée scolaire, allez lire l’article Interdiction du cellulaire à l’école: conseils aux parents.

Le gouvernement doit aller plus loin en appliquant d’autres recommandations de la Commission dans les écoles afin de vraiment réduire les méfaits des écrans chez les jeunes.

Carolanne Campeau

Infolettre

Abonnez-vous à notre infolettre