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Témoignage
Sexisme et misogynie dans le monde des jeux vidéo
8 décembre 2022
Si vous avez une ado passionnée par les jeux vidéo en ligne, elle a sans doute déjà été victime de commentaires sexistes ou misogynes. Sarah*, une gameuse de 28 ans, partage son expérience. Et elle a quelques conseils à donner aux parents.
Du plus loin qu’elle se souvienne, Sarah a toujours aimé les jeux vidéo. À 15 ans, elle a découvert l’univers des jeux vidéo en ligne. Elle en a essayé plusieurs, jusqu’à ce qu’on lui apprenne à jouer à League of Legends. «Je suis tombée en amour», se rappelle celle qui joue encore à ce jeu de combat une quinzaine d’heures par semaine.
À l’époque, les filles n’étaient pas nombreuses dans l’univers des jeux vidéo en ligne. Dans ce type de jeux, la compétition est forte et les interactions entre les joueurs deviennent vite agressives. Certains trouvent ça cool de jouer avec une fille, mais, la plupart du temps, elle devient une cible facile. «Retourne dans la cuisine!», «Tu ne peux pas être bonne aux jeux vidéo parce que tu es une fille», «C’est un gars qui t’a aidée à te rendre à ce niveau», «Va donc jouer à Candy Crush». Les insultes sexistes fusent, quand ce ne sont pas carrément des propos obscènes ou misogynes, du harcèlement sexuel, voire des menaces de viol ou de mort. «J’étais jeune et sans ressource. Je ne savais pas comment réagir à tout ça», admet-elle.
Choisir de fuir ou de se battre
À un moment, Sarah n’en peut plus d’être rabaissée parce qu’elle est une fille, de se faire juger sur son genre et non pas sur ses compétences. «Je me suis rendu compte que, même si j’avais fait mes preuves, il y aurait toujours quelqu’un qui allait me descendre, que c’était inévitable quand on est une fille», rapporte-t-elle. Elle décide donc de changer son pseudonyme pour le rendre moins féminin. Puis, elle cesse de jouer en duo avec des gars pour ne plus se faire accuser d’avoir reçu l’aide d’un ami pour accéder à son niveau. Elle s’abstient aussi d’aller dans les voice chat (un espace dans le jeu qui permet de parler avec les autres joueurs pendant la partie) lorsqu’elle joue à des jeux comme Overwatch et Valorant pour éviter que sa voix ne la trahisse. Elle bloque ou désactive le son des joueurs quand leurs commentaires deviennent trop déplacés.
Après quelques années, Sarah décide de briser le silence en demandant à ses amies gameuses si elles vivent la même réalité qu’elle. La réponse est oui. «Il n’y a pas une fille qui joue à des jeux vidéo en ligne qui est épargnée», assure-t-elle. Celles qui ont la couenne dure choisissent de garder leur pseudonyme féminin et de se défendre contre les insultes ou encore de les ignorer. Les autres font comme Sarah en tentant de se faire passer pour un gars. Les filles savent qu’elles peuvent signaler les joueurs qui tiennent des propos inacceptables, mais ce n’est pas vraiment une solution pour ce problème qui est plus généralisé, selon elles.
Cela dit, Sarah tient à dire qu’il n’y a pas seulement des personnes méchantes dans les jeux vidéo en ligne. «J’ai aussi rencontré des gars extraordinaires, super gentils, avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir», affirme-t-elle. Autre lueur d’espoir, la gameuse constate que les jeunes générations acceptent moins «les gens qui sont méchants en ligne» et que de plus en plus de gars se portent à la défense des filles qui se font attaquer à cause de leur genre. «Les choses sont en train de changer», observe-t-elle. Or, pour qu’il y ait un véritable changement de mentalité dans le monde des jeux vidéo, Sarah pense que les parents de joueurs doivent éduquer leur fils sur l’importance de respecter toutes les personnes qu’il côtoie en ligne, peu importe leur genre, leur orientation sexuelle ou la couleur de leur peau.
Comment soutenir votre gameuse?
«Si j’avais une fille gameuse, j’aurais un sérieux pep talk avec elle, répond Sarah. Je ne voudrais surtout pas qu’elle pense qu’elle est une moins que rien à cause de ce que peuvent dire certaines personnes en ligne.» La passionnée de jeux vidéo expliquerait à son enfant que les joueurs qui attaquent les filles sur leur genre ne sont pas corrects, que c’est mal ce qu’ils font. «Les joueurs vont toujours essayer de frapper là où ça fait mal», dit-elle. Elle conseillerait aussi à sa fille d’en parler à un adulte de confiance quand ça arrive. «Moi, j’ai gardé ça à l’intérieur pendant des années et ça m’a fait plus de mal qu’autre chose», soutient-elle.
Sarah rappellerait finalement à sa fille qu’elle a le droit de jouer aux jeux vidéo et qu’elle a le droit d’aimer ça, que ce n’est pas un passe-temps réservé aux hommes. «Je lui dirais qu’il n’y a pas une activité dans le monde qu’elle ne peut pas faire parce qu’elle est une fille», conclut-elle.
Bref, l’idée n’est pas d’empêcher votre fille de jouer à des jeux vidéo, car ils peuvent être une passion harmonieuse pour certaines. Mais il est important d’en discuter avec elle et de lui demander comment elle reçoit les commentaires lorsqu’elle joue en ligne. Au cours de la conversation, si vous remarquez que ceux-ci ont des effets négatifs sur elle, encouragez-la à essayer d’autres types de jeux en ligne.
Quelques ressources disponibles:
- Pour en savoir plus sur la cyberintimidation, lisez l’article de PAUSE Cyberintimidation: signes et 4 façons d’intervenir ainsi que le dossier du gouvernement du Canada Comment préparer votre enfant à gérer la cyberintimidation.
- Pour en savoir plus sur les jeux vidéo, lisez les articles de PAUSE Les jeux vidéo sont-ils dangereux?, Jeux vidéo: est-ce que mon ado joue trop?, De l’aide est disponible si gamer devient un problème et Jeux vidéo: 4 conseils pour faire un choix éclairé pour son enfant.
- Si vous avez besoin de soutien, vous pouvez contacter la LigneParents et rappeler à votre enfant qu’il peut joindre Tel-jeunes ou Jeunesse, J’écoute.
Par Amélie Cournoyer, journaliste indépendante
* Un pseudonyme a été utilisé pour conserver son anonymat.
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