L’amour à l’ère de la techno

Ils sont en quelque sorte devenus la norme pour dater. Ils permettent par exemple aux gens qui ne vont plus à l’école et qui fréquentent le même cercle d’amis depuis longtemps de faire des rencontres qu’ils n’auraient pas pu faire autrement. Pour les anxieux et les timides, c’est une façon d’approcher l’autre plus facilement et dans un cadre plus sécuritaire que dans un bar ou à l’épicerie. Quant aux plus jeunes, c’est ce qu’ils connaissent le mieux puisque la majorité de leurs relations amoureuses sont nées en ligne.

Il ne faut pas oublier que, depuis le début de la pandémie, il est devenu très difficile de faire des rencontres à cause des mesures sanitaires. C’est décourageant pour les célibataires de devoir mettre leur processus de recherche d’un ou d’une partenaire sur pause aussi longtemps… Beaucoup vont donc se tourner vers les applications et les sites de rencontre, même s’ils étaient frileux de le faire auparavant.

Certains s’imaginent qu’ils servent uniquement aux gens qui recherchent des aventures d’un soir ou des rencontres sexuelles, alors qu’ils dépassent nettement cette fonction. Il y en a plusieurs qui cherchent l’amour. D’autres ont l’impression que c’est une façon moins naturelle et plus forcée de faire de nouvelles connaissances. Or, la première date reste la même, que la rencontre ait lieu en ligne ou dans un bar avec un échange de numéros de téléphone.

De mon point de vue de psychologue, c’est le gros bémol que j’ai par rapport aux sites de rencontre. Ceux-ci ressemblent à des catalogues dans lesquels les gens sont exposés. Il y a donc énormément de jugements sur l’apparence physique, ce qui finit par avoir un impact sur l’estime de soi, surtout pour les personnes sensibles ou celles qui accordent beaucoup de valeur à leur image. Puis, on n’a pas nécessairement la même délicatesse dans nos échanges en ligne qu’en face à face. Certains vont émettre plus facilement des commentaires déplacés et vexants qui peuvent heurter la confiance de l’autre.

L’estime va également en prendre un coup si l’on vit du rejet à répétition, que ce soit parce qu’on n’est pas souvent choisi sur une application, qu’on ne se fait pas rappeler après un premier rendez-vous ou qu’on se fait « ghoster » (c’est-à-dire qu’on ne reçoit plus de nouvelles de l’autre subitement et sans raison). Ce phénomène de ghosting est d’ailleurs devenu très courant. Or, les personnes qui en sont victimes peuvent avoir l’impression que c’est leur faute, qu’elles ont fait quelque chose de pas correct, et cela peut ébranler leur confiance en elles.

Il n’est pas rare que les gens prennent des pauses des applications de rencontre parce qu’ils ont atteint leur quota de déceptions ou de frustrations, après une série de rencontres infructueuses ou d’échanges non respectueux par exemple. Par ailleurs, beaucoup de femmes ressentent de l’anxiété à force de subir des micro-agressions sur une base régulière (comme de recevoir des photos non désirées) ou ont peur de provoquer une réaction déplacée juste parce qu’elles refusent de rencontrer l’autre rapidement. Puis, les victimes de ghosting vont souvent vivre de l’anxiété et de la tristesse. Certaines deviennent très méfiantes et hypervigilantes aux moindres signes de ghosting ou s’investissent moins dans les futures relations par peur du rejet.

Ceux-ci font partie de notre vie et ils ont bel et bien des avantages, mais il faut aussi savoir s’en protéger. Lors d’une rencontre, c’est correct de s’affirmer en nommant ses besoins et ses limites et en demandant à l’autre quels sont les siens. Si c’est difficile d’être authentique, on doit se demander pourquoi et travailler sur cet aspect. Est-ce un besoin de plaire? La peur du rejet?

On garde en tête qu’on peut toujours se retirer d’une conversation qui ne nous fait pas sentir bien et que, du moment que l’utilisation d’un site de rencontre devient lourde ou énergivore, on peut prendre une pause. C’est une activité qui ne devrait jamais être pénible ou forcée.