Pour le personnel professionnel

5 choses à savoir sur l’interdiction des cellulaires à l’école

Par équipe PAUSE, en collaboration avec Carolanne Campeau, M.I.T., – conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans

5 choses à savoir sur l’interdiction des cellulaires à l’école

Le 1er mai dernier, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a annoncé l’interdiction d’utiliser le cellulaire dans les établissements scolaires primaires et secondaires dès la prochaine rentrée scolaire. Cette interdiction découle d’une des recommandations de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. Lisez ce qui suit pour mieux comprendre en quoi consiste cette directive et pourquoi elle sera instaurée.

Carolanne Campeau

Carolanne Campeau

M.I.T., – conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans

  • 1. Les faits et gestes de la Commission

    La Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes a été créée par l’Assemblée nationale l’an dernier afin d’étudier les répercussions d’Internet et des écrans sur la santé et le développement des jeunes. La Commission s’est entre autres intéressée:

    • au temps d’écran chez les jeunes;
    • aux mesures d’encadrement des écrans à l’école et sur le Web;
    • à l’accès aux réseaux sociaux;
    • à la cyberintimidation et au partage de matériel sexuellement explicite;
    • à l’accès à la pornographie en ligne par les moins de 18 ans;
    • aux mécanismes visant à créer une dépendance qui sont utilisés par certaines applications;
    • à la publicité destinée aux enfants sur les plateformes et les applications.
  • 2. Les recommandations de la Commission

    Le 29 mai dernier, la Commission a déposé son rapport final, qui regroupe 56 recommandations, dont 18 portent sur l’usage des écrans à l’école. La principale est que l’utilisation des cellulaires, des écouteurs et des autres appareils mobiles personnels soit interdite sur le terrain de toutes les écoles primaires et secondaires de la province du début à la fin des cours, y compris pendant les pauses et l’heure du dîner. (L’interdiction annoncée par le gouvernement ne touchera toutefois pas à l’usage par le personnel enseignant à des fins pédagogiques ni par les élèves en raison d’un état de santé, d’un handicap ou de difficultés d’adaptation ou d’apprentissage.)

    Les autres recommandations de la Commission visent notamment:

    • la limitation du recours aux outils numériques en classe dans un but pédagogique et la fin de leur utilisation comme récompense;
    • l’instauration des compétences numériques dans le contenu éducatif obligatoire pour les élèves; 
    • l’intégration de la notion de citoyenneté numérique au code de vie des écoles;
    • la formation du personnel enseignant au sujet des usages responsables des écrans;
    • l’encadrement renforcé des programmes de sport électronique.
  • 3. L’avis des experts et expertes

    Les experts et expertes qui se sont exprimés devant la Commission ont proposé d’interdire l’usage du cellulaire dans les milieux scolaires. Carolanne Campeau, conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans à PAUSE et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke, en faisait partie. « Les études sont de plus en plus claires: l’usage du cellulaire à l’école nuit aux apprentissages des élèves et à leurs résultats scolaires ainsi qu’au développement de leurs compétences sociales », soutient-elle.

    D’ailleurs, les écoles qui ont déjà instauré cette règle, comme l’école secondaire d’Oka, le Collège Charles-Lemoyne à Longueuil et l’école secondaire de Rochebelle à Québec, ont notamment constaté:

    • une augmentation des interactions sociales entre les élèves;
    • une meilleure relation entre les élèves et le personnel scolaire;
    • une hausse de l’activité physique, du temps passé à l’extérieur et de la participation aux activités parascolaires proposées sur l’heure du midi;
    • une augmentation de la concentration et de l’attention en classe;
    • une amélioration de la performance et des résultats scolaires.

    Toutefois, des données provenant de l’école secondaire d’Oka montrent que le temps d’écran quotidien de ses élèves n’a pas nécessairement diminué. En effet, plusieurs jeunes compensent le temps qu’ils et elles ne peuvent plus passer sur leur cellulaire à l’école en l’utilisant davantage durant la soirée. Cela confirme que l’encadrement à l’école doit être accompagné d’une vigilance continue à la maison.

  • 4. Les difficultés liées à l’instauration de cette interdiction

    Même si l’utilisation du cellulaire en classe est interdite depuis janvier 2024, le personnel scolaire était bien placé pour constater que cette règle n’était pas appliquée de manière uniforme. Le plus simple pour régler cette problématique, si l’on se fie à l’expérience de plusieurs écoles, est de l’interdire complètement.

    Carolanne Campeau s’attend tout de même à ce que le personnel scolaire ait de la difficulté à faire respecter la nouvelle consigne par une portion de jeunes lors de la prochaine rentrée scolaire. Par contre, elle se veut rassurante: « Les écoles qui l’ont déjà instaurée ont remarqué qu’il y avait une période d’adaptation de quelques mois au début. Mais que, finalement, c’était beaucoup plus simple d’interdire le cellulaire dans toute l’école que de laisser à chaque enseignant et enseignante le fardeau de gérer ça individuellement dans sa classe. »

    Il reste que ce sera un virage difficile à prendre pour tout le monde: pour les jeunes qui avaient l’habitude d’utiliser leur cellulaire à l’école, pour le personnel scolaire qui devra changer ses habitudes numériques au travail, puis pour les parents qui devront apprendre à se déconnecter de leur jeune durant la journée. « Au début de l’année, tout le monde sera en mode adaptation », prévoit Carolanne Campeau.

  • 5. Les rôles et les responsabilités du personnel enseignant

    Dès la prochaine rentrée scolaire, les enseignants et enseignantes devront se préparer à être de bons modèles pour les jeunes afin de faciliter l’adoption de la nouvelle règle. « Par souci de cohérence, ils et elles devront éviter de consulter leur cellulaire en classe. Il y aura sûrement de la réticence de la part de quelques membres du personnel, mais c’est essentiel de donner l’exemple », admet la conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans.

    Selon elle, il est également important que le personnel scolaire s’approprie les autres recommandations de la Commission, même si celles-ci ne sont pas encore des directives gouvernementales.

    Voici quelques questions à vous poser en ce sens:

    • Puis-je limiter l’usage des outils technologiques à ceux qui ont une réelle valeur ajoutée en ce qui a trait à la pédagogie?
    • Est-ce que j’utilise parfois les écrans comme récompense avec les élèves et, si oui, comment pourrais-je les récompenser autrement?
    • Est-ce que je peux utiliser des outils gratuits (comme ceux de PAUSE) afin d’améliorer mes connaissances au sujet de la promotion des saines habitudes numériques et de la prévention des méfaits liés à l’hyperconnectivité?
    • Comment puis-je accompagner les élèves à devenir de meilleurs citoyens et citoyennes numériques?

    Finalement, le personnel enseignant aura aussi la responsabilité de soutenir les élèves qui auront de la difficulté à se séparer de leur cellulaire lors de la prochaine rentrée scolaire. « Il faudra faire preuve de compassion et de bienveillance envers les jeunes, mais il n’en demeure pas moins que ce virage est nécessaire. Il est d’ailleurs déjà amorcé dans plusieurs écoles à travers le monde », conclut Carolanne Campeau.

    Si vous rencontrez des parents qui souhaitent soutenir leur jeune dans cette importante transition, conseillez-leur de lire l’article Interdiction du cellulaire à l’école: conseils aux parents.

Infolettre

Abonnez-vous à notre infolettre